Une double attaque terroriste en l’espace d’une semaine. Trente-cinq valeureux soldats tombés, laissant derrière eux autant de familles en deuil. Toute une nation meurtie. Des installations militaires de l’opération Mirador réduites en cendres. Et comme si ce n’en pas déjà assez, une parade de triomphe macabre sur le lieu du drame. À travers ces actes d’une brutalité inouie, les terroristes qui ont attaqué le poste avancé du Triple-Point renseignent sur les défis sécuritaires qui sont nôtres en 2025. Il est impératif qu’une lutte implacable, méthodique et coordonnée soit engagée pour éradiquer l’hydre terroriste.

Et si jusque-là les autorités s’efforçent d’atténuer l’ampleur du désastre avec une sérénité de façade, il est désormais évident que le terrorisme au Bénin n’est plus une menace potentielle. Il s’impose à nous avec son lot de désolations, particulièrement favorisé par un contexte régional nourrissant l’insécurité.

Dès lors, se posent les véritables questions : sur quels fronts livrer cette bataille pour espérer la remporter rapidement ? Quelles mesures audacieuses faut-il adopter pour stopper l’avancée des groupes terroristes vers les côtes béninoises ?

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Contexte géopolitique et vulnérabilité du Bénin face au terrorisme

Le Bénin, situé dans le golfe de Guinée, se retrouve géographiquement encastré entre plusieurs foyers de terrorisme. S’ouvrant au Sahel par ses frontières nord avec le Niger et le Burkina Faso, le pays est exposé aux incursions régulières de l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) et du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM). Dès 2019, ces groupes ont fait leurs premières victimes béninoises, assassinant un guide touristique et enlevant deux autres ressortissants étrangers dans le parc de la Pendjari. Depuis lors, le Bénin figure dans le Global Terrorism Index parmi les pays où le terrorisme progresse de manière préoccupante.

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À l’est, bien que considérablement affaiblis, Boko Haram et sa faction dissidente affiliée à l’État Islamique représentent une menace persistante. Pris en étau par cette constellation de groupes djihadistes aux idéaux les uns plus extrémistes que les autres, le Bénin demeure vulnérable, en partie à cause des lacunes structurelles de son armée. L’attaque du « Point Triple » au nord, qui aurait duré près de huit heures selon des sources officieuses – que nous considérons avec amertume, par manque d’infiirmations officielles-, met cruellement en lumière ce retard stratégique.

En réalité, bien loin d’ignorer l’urgence, le Bénin a multiplié les partenariats militaires avec des acteurs majeurs tels que la France, les États-Unis et même avec la vielle alliée la Russe. Ces collaborations ont permis d’améliorer la formation des troupes et d’acquérir des équipements essentiels.

Cependant, la victoire contre le terrorisme au Bénin ne saurait être garantie uniquement par l’apport extérieur. L’histoire récente des conflits asymétriques démontre que la résilience d’une armée repose avant tout sur sa propre capacité à s’adapter, à innover et à mobiliser ses forces locales. En d’autres termes, les coopérants, aussi puissants soient-ils, ne peuvent suppléer indéfiniment aux lacunes structurelles des forces nationales béninoises.

Aller à l’unification des armées pour endiguer le terrorisme au Bénin

Sur une quinzaine de pays regroupés en Afrique de l’Ouest, environ six, soit près de la moitié, subissent directement les incursions djihadistes. Et pour rester factuel, l’autre moitié est tout aussi soumise aux menaces qu’elle n’est véritablement à l’abri. Cette réalité impose de considérer le terrorisme, non pas comme une problématique isolée, mais comme une menace globale pesant sur l’ensemble de la communauté régionale.

En effet, les frontières intra-africaines, en plus d’être poreuses, sont faiblement surveillées, devenant des refuges privilégiés pour les terroristes. Une étude de l’OCDE, utilisant l’indicateur de la dynamique spatiale des conflits (SCDi), révèle que 60 % des victimes du terrorisme en Afrique du Nord et de l’Ouest se trouvent à moins de 100 kilomètres d’une frontière. Basée sur l’analyse de plus de 170 000 événements violents entre 1990 et 2021, cette étude met en lumière une dynamique inquiétante.

La corrélation entre les zones frontalières et le terrorisme est d’autant plus frappante que les groupes armés opérant en Afrique concentrent leurs activités dans ces régions. C’est cette configuration spatiale qui permet à Boko Haram d’étendre son spectre d’action autour du lac Tchad, frappant simultanément le Nigeria, le Cameroun et le Tchad. Elle explique également l’emprise du JNIM et de l’ISGS sur les trois États sahéliens que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

Lutter contre le terrorisme nécessite donc de prendre prioritairement en compte cet enjeu stratégique. Cela devrait conduire, si une concertation absolue des armées sous un commandement unique s’avère impossible, à une harmonisation des théâtres d’opérations.

En 2012, face à l’intensification de l’insurrection islamiste de Boko Haram dans le nord du Nigeria, la réactivation de la Force Multinationale Mixte (FMM) et l’élargissement de son mandat ont considérablement affaibli l’organisation. Basée à N’Djamena et regroupant les pays de la Commission du bassin du lac Tchad, ainsi que le Bénin, cette force a mené de multiples offensives. Elle a notamment libéré des îles isolées du lac Tchad, frappant au Nigeria, à Maroua (Cameroun), et ailleurs.

Pourquoi une telle ingénierie militaire ne pourrait-elle être reproduite à plus grande échelle, impliquant l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest ?

De la nécessité d’une responsabilisation de l’État

Parallèlement aux opérations militaires, dont le but ultime est l’éradication des groupes djihadistes, les États africains doivent assumer leurs responsabilités régaliennes. L’éducation, quelle qu’en soit la nature ou l’organisation qui la dispense, doit impérativement recevoir l’aval de l’État. L’objectif est clair : prévenir les opérations de radicalisation et protéger la jeunesse des dérives idéologiques.

À cela s’ajoute la lutte contre la pauvreté extrêmeet la misère. L’époque où des capitales prospères narguaient des villages démunis doit prendre fin. La pauvreté, l’absence d’opportunités et les conflits fonciers constituent un terreau fertile pour le recrutement des groupes terroristes. L’industrialisation massive et une redistribution équitable des richesses s’imposent comme des solutions durables.

Un autre pilier essentiel est la justice. Lorsque celle-ci est clochardisée ou vassalisée par les gouvernements, elle génère des frustrations profondes qui rendent certains citoyens vulnérables aux promesses des terroristes. L’exemple de Boko Haram est édifiant : les injustices subies par son fondateur, Muhammad Yusuf, dans ses relations avec l’État nigérian, ont été l’un des déclencheurs du mouvement.

Pour renforcer la résilience nationale, l’État doit s’assurer du contrôle total de l’éducation de ses citoyens, promouvoir un développement économique inclusif, et encourager activement le dialogue interreligieux.

La modernisation de l’armée

L’armée béninoise, contrairement à ses homologues du Nord, bénéficie d’un territoire relativement facile à contrôler. Cependant, avec plus de 2 000 km de frontières terrestres, le pays demeure très vulnérable aux infiltrations.

La modernisation de l’armée béninoise et l’équipement logistique avec des moyens militaires de dernière génération sont des impératifs absolus. Les drones de surveillance et de combat, par exemple, ont prouvé leur efficacité dans les conflits récents. Dans un contexte de guerre asymétrique, nécessitant une vigilance constante sur les mouvements ennemis, ils s’imposent comme des outils incontournables. Une surveillance accrue, des postes de contrôle modernisés aux frontières, et l’usage systématique de caméras thermiques deviennent essentiels.

Parallèlement, un véritable réseau de renseignement doit être développé. Les services secrets ne devraient plus être mobilisés à la poursuite d’opposants politiques. Le pays fait désormais face à un ennemi déclaré, plus cruel, qui exige toute l’intelligence de ces services. Qui sont ces ennemis ? Où se regroupent-ils ? Combien sont-ils ? Que planifient-ils et à quel moment projettent-ils de frapper ? Ces questions doivent désormais hanter les responsables du renseignement béninois.

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