J’ai découvert la série Conflict de façon totalement fortuite. Et la mini-série finlandaise, subdivisée en six épisodes sous l’égide d’Aku Louhimies m’a assuitôt happé. Dans un paysage télévisuel souvent saturé de récits prévisibles, cette œuvre m’a cloué au siège dès les premières minutes, avec son mélange audacieux de drame, de thriller et de guerre. Imaginez : une Finlande paisible, prête à fêter le solstice d’été, brutalement ébranlée par une invasion ennemie. Pas de drapeaux, pas de revendications claires, juste le chaos. C’est viscéral, c’est urgent, et ça résonne avec un étonnnement rare.

Louhimies, déjà brilant avec L’Inconnu soldat, signe ici une fresque qui ne se contente pas de divertir : elle interroge, elle secoue. Lors d’une discussion avec un ami cinéphile après le visionnage, il a fait cette remarque totalement sensée : « C’est comme si Occupied avait croisé The Hurt Locker, mais avec une âme nordique. » La série Conflict en est bien plus qu’une. C’est un miroir tendu à notre époque, où les menaces hybrides et les fragilités démocratiques ne sont plus des hypothèses lointaines. Avec une authenticité brute et une ambition narrative palpable, elle mérite qu’on s’y attarde. Lisez notre analyse conflict
Synopsis (sans spoiler) : une invasion sans nom
L’histoire commence dans une Finlande en apparence sereine, à la veille du solstice d’été. Soudain, la péninsule de Hanko, ce bout de terre au sud du pays, est envahie par des forces ennemies anonymes. Pas de fanfare, pas d’emblèmes, pas de colonne de chars : juste des silhouettes armées qui surgissent dans la nuit, coupant toutes les communications.
Le pays bascule dans un chaos silencieux, presque irréel. Au cœur de ce tumulte, on suit Annika Berg, une officier des forces armées finlandaises, incarnée avec une intensité bouleversante par Julia Korpinen. Avec son escouade composée de quelques autres officiers en formation sur la base d’hanko, elle tente de survivre, de résister, et surtout de comprendre : qui sont ces envahisseurs ? Que veulent-ils ?
Pendant ce temps, à Helsinki, les calculs politiciens, les intérêts des uns contrastent avec la volonté des autres. La présidente Linnea Saaristo (Sara Soulié) se trouve ainsi dépassée par des règles démocratiques très souples face à la remise en question de l’intégrité territoriale.
Le génie de la série Conflict, c’est de ne pas tout révéler. Pas de grand méchant caricatural, pas de discours explicatif. Les six épisodes tissent une toile d’incertitude où chaque scène, chaque action dévoile autant de questions que de réponses.
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J’ai repensé à ces nuits blanches passées à débattre avec des collègues critiques : certains y voient une métaphore des cyberattaques modernes, d’autres une allégorie des tensions avec la Russie voisine. Mais tous s’accordent sur un point : ce silence oppressant, ce flou volontaire, rend l’expérience suffocante. On ne regarde pas Conflict, on le vit, le souffle court, comme si l’invasion frappait à notre porte.
Analyse du contexte et des influences: le parallèlisme frappant avec la géopolitique
La série Conflict ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une lignée de thrillers géopolitiques nordiques, ces récits qui savent transformer le froid et la solitude en armes narratives. Pensez à Occupied, où la Norvège est phagocytée par une Russie opportuniste, ou à Borgen, avec ses intrigues politiques feutrées mais tranchantes.
Mais Louhimies va plus loin – même si la Russie revvient en filigrane : il injecte une urgence presque documentaire, héritée de son travail sur L’Inconnu soldat. Ce film de 2017, adaptation crue d’un roman sur la Seconde Guerre mondiale, avait déjà montré son talent pour capturer la guerre dans ce qu’elle a de plus humain – et de plus cruel.
Le contexte géopolitique actuel nourrit aussi la série. La Finlande, membre récent de l’OTAN, vit avec l’ombre de son voisin russe depuis des décennies. Les cinéphiles pointent souvent cette tension implicite : « C’est impossible de ne pas penser à l’Ukraine », m’a glissé une amie.
Pourtant, la série Conflict refuse l’explicite. Les envahisseurs n’ont pas de nom, pas de visage précis, ce qui universalise le récit. Cette ambiguïté rappelle parfois le cinéma de Tarkovski, où l’absence d’explications force à ressentir plutôt qu’à intellectualiser. Pour moi, c’est une prouesse : transformer une peur locale en une méditation globale sur la vulnérabilité des nations modernes.
Mise en scène et narration : le minimalisme qui l’emporte !
Visuellement, Conflict est une claque. Louhimies excelle à marier l’intime et l’épique. Les plans rapprochés sur les visages – celui de Linnea Saaristo, marqué par la fatigue et la peur – capturent chaque fissure émotionnelle. Tandis que les séquences d’action, brutales et désordonnées, plongent dans la réalité d’un champ de bataille improvisé.
J’ai été frappé par une scène du troisième épisode : une poursuite char après char à la lisière une forêt enneigée, sur une plage, filmée caméra à l’épaule, dans laquellle les clapotis de l’océan et les cris étouffés suffisent à glacer le sang. Pas besoin d’effets tape-à-l’œil ; la simplicité devient ici une arme.
La photographie, signée Tuomo Hutri, joue sur des tons froids – gris acier, blanc spectral – qui reflètent l’âme d’une Finlande en état de siège. Le rythme, lui, est un pari risqué : rapide dans les affrontements, presque méditatif dans les silences qui suivent.
Certains spectateurs, croisés dans les critiques sur allociné, ont trouvé ça trop lent. « Ça traîne parfois », a écrit un cinéphile. Mais pour moi, c’est là que la série brille : elle laisse le temps de digérer l’horreur, de se perdre dans les doutes d’Annika. Cette narration tendue, qui refuse la facilité, fait de Conflict un objet rare, à la croisée du cinéma d’auteur et du thriller pur.
Personnages et performances dans la série conflict
Les personnages de Conflict ne sont pas des héros de blockbuster comme dans Captain America ; ce sont de simples êtres humains, fragiles et magnifiques. Julia Korpinen, dans le rôle d’Annika Berg, est une révélation. Elle porte sur ses épaules le poids d’une soldate qui doute, qui tremble, mais qui avance. Lors d’une scène où elle doit choisir entre sauver un civil ou protéger son unité, son regard – un mélange de désespoir et de résolution – m’a coupé le souffle.
Sara Soulié, en présidente Linnea Saaristo, incarne une leader déchirée entre pragmatisme et principes, une figure presque shakespearienne dans sa gravité. Je la trouve néanmoins trop crispée, abusée par l’emprise de ses sentiments que portée par les obligations de son poste. L’image de la femme leader affaiblie revient avec insistance. Somme toute, elle a tenu bon face à l’adversité, et a su vaillamment défendre son pays.
Et puis il y a Peter Franzén, en capitaine Rami Ohrankämmen. Cet acteur, habitué des rôles intenses (Vikings), apporte une humanité brute à un homme brisé par ses propres sacrifices. Une discussion avec un cinéphile m’a marqué : « Franzén, c’est le cœur battant de la série. » En fait, je partage pleinement son avis. Ces performances, soutenues par un casting choral impeccable, donnent chair à des dilemmes universels. Ce ne sont pas juste des soldats ou des politiques ; ce sont des gens qu’on pourrait croiser, des voisins qu’on pourrait devenir en temps de crise.
Thèmes et messages dans conflict
Conflict n’est pas qu’un thriller ; c’est une méditation sur la survie d’une nation et de ses âmes. La résilience y est omniprésente : celle d’Annika, qui refuse de plier malgré les pertes, celle d’un peuple uni face à l’inconnu. Ou encore La présidente Linnea Saaristo qui décide in extremis de sacrifier une petite partie pour sauver la grande.
Toutefois, la série conflict creuse plus loin, dans les zones grises. Que sacrifie-t-on pour la liberté ? Jusqu’où peut-on aller pour défendre ses valeurs ? Une réplique d’Annika m’est restée : « On ne gagne pas une guerre sans devenir un peu comme eux. » Ça m’a hanté des heures après le générique.
Les cinéphiles voient aussi dans la série conflict une réflexion sur les conflits hybrides – ces guerres modernes où l’ennemi n’a ni drapeau ni visage. « Ça parle de notre époque ». Entre désinformation et menaces invisibles, Conflict touche une corde sensible. Pourtant, ce qui m’a le plus ému, c’est son humanité. Les petites scènes – un soldat qui fredonne une berceuse, une présidente qui craque en privé – rappellent que derrière les batailles, il y a des cœurs qui battent, et parfois se brisent.
Conclusion et avis personnel
Conflict m’a touché comme rarement une série l’a fait. Aku Louhimies livre ici une œuvre d’une puissance brute, où chaque plan, chaque silence, raconte une histoire. Oui, son rythme peut dérouter les impatients – un ami m’a avoué avoir décroché au deuxième épisode. Mais pour moi, c’est une force : elle exige qu’on s’immerge, qu’on ressente. Les performances, portées par un trio d’acteurs au sommet, et la mise en scène, aussi belle que cruelle, en font une pépite du thriller géopolitique nordique.
Je lui donne un 4/5. Pourquoi pas la perfection ? Peut-être parce que certaines réponses restent en suspens – volontairement, je le crois. Mais c’est aussi ce qui fait sa grandeur : Conflict ne vous mâche pas le travail. Elle vous laisse avec des questions, des frissons, et une envie irrépressible d’en parler. Pour les amateurs de récits profonds et engagés, c’est un incontournable de 2024, une série qui prouve que le petit écran peut encore bousculer et émouvoir.